Cas de suspension du contrat de travail
et congés payés
: la loi est adoptée

Plusieurs arrêts de la Cour de cassation rendus le 13 septembre 2023 dernier mettaient en conformité le droit français avec le droit européen concernant la prise en compte de la suspension du contrat pour maladie ou accident du travail sur les droits à congés et précisaient les règles de prescription.

Le droit à congés payés des salariés en arrêt de travail : la loi est adoptée

Le jeudi 8 février 2024, le conseil constitutionnel avait validé le droit français qui empêchait l’acquisition de congés payés pendant un arrêt maladie.
Mais cette décision était en contradiction avec le droit de l’Union européenne.
Le 10 avril 2024, une loi a été adoptée. Elle vient mettre en conformité le droit français à la la directive de l’Union Européenne de 2003. Elle n’a cependant pas encore été publiée au Journal Officiel.

Voici les mesures de cette loi :

L’acquisition des Congés Payés

Maladie d’origine non professionnelle 2 jours ouvrables (24 jours par an)
Accident de travail / Maladie Professionnelle 2.50 jours ouvrables (30 jours par an)

Les obligations de l’employeur

L’employeur a l’obligation d’informer son employé par tous moyens (la loi précise notamment au moyen du bulletin de paie) dans un délai d’un mois qui suit sa reprise :

  • Le nombre de jours de congé dont il dispose,
  • La date jusqu’à laquelle ces jours de congé peuvent être pris.

Ces informations peuvent être communiquées au salarié par tout moyen indiquant une date certaine à leur réception, notamment via le bulletin de paie (article L. 3141-19-3 du code du travail, créé).

Attention, sauf exception, l’information du salarié sur ses droits en matière de congés payés marque le point de départ de la période de 15 mois dont il dispose pour les reporter.

La période de report : 2 situations

  • Les Congés acquis avant l’arrêt de travail

Le report est limité à 15 mois (possible de fixer une durée supérieure par accord) qui débute à la date de l’information délivrée par l’employeur.

Par exemple, un salarié est malade du 15 mars au 31 mai de l’année N sans avoir pu solder ses Congés Payés acquis du 1er juin N – 1 au 31 mai de l’année N (la période de prise de ces congés a expiré le 30 avril de l’année N). Son employeur l’informe de ses droits à report le 20 juin. La période de report de 15 mois commence à courir le 20 juin.

  • Les Congés acquis pendant un arrêt de travail

En cas d’arrêt inférieur à un an, la limite de 15 mois s’applique

Si l’arrêt dure plus d’un an, le délai de report sur 15 mois s’applique à compter de la fin de la période annuelle d’acquisition des congés payés. Passé ce délai, et sans reprise du salarié, les congés sont perdus.

En cas de reprise travail, la période de report est suspendue tant que l’employeur n’a pas accompli les nouvelles formalités d’information.

Exemple : un salarié est en arrêt de travail du 15 mars de l’année N – 2 au 31 mai de l’année N. En théorie, sur la période d’acquisition courant du « 1er juin N – 1 / 31 mai N », il a acquis 24 jours ouvrables de congés payés s’il était en arrêt maladie et 30 jours ouvrables s’il était en arrêt AT/MP.

La période de report de 15 mois débute le 31 mai N et va jusqu’au 31 août de l’année N + 1.

Si l’arrêt de travail se prolonge et que le salarié revient le 1er mars de l’année N + 1, la période de report est suspendue à cette date. 9 mois s’étant déjà écoulés, il en reste 6, mais elle ne recommencera à courir qu’à partir du moment où l’employeur se sera acquitté de son obligation d’information.

La rétroactivité & les recours

L’application de ces nouvelles modalités avec effet rétroactif depuis le 1er décembre 2009 pour la règle d’acquisition des Congés Payés durant un arrêt maladie (non professionnel) et la période de report s’applique comme suit :

  • Si le salarié est toujours présent dans l’entreprise : le délai est de 2 deux ans à compter de la date de publication de la loi,
  • Si le salarié a quitté l’entreprise : il y a une prescription de 3 ans des actions en matière de paiement.

Par un revirement de jurisprudence, donc, la Cour de cassation, s’appuyant sur l’article 31§2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne relatif au droit au repos, écarte les dispositions du droit français qui ne sont pas conformes au droit de l’Union européenne.

« Le droit au congé annuel payé conféré par cette directive à tous les travailleurs ne peut être subordonné par un Etat membre à l’obligation d’avoir effectivement travaillé pendant la période de référence établie par ledit Etat » (décision de la CJUE du 20 janvier 2009).

Pour la Cour de cassation, il incombe au juge national d’assurer, dans le cadre de ses compétences, la protection juridique découlant de l’article 31§2 de la Charte et de garantir le plein effet de celui-ci en laissant au besoin inappliquée la réglementation nationale.
Elle écarte en conséquence partiellement l’application des dispositions de l’article L. 3141-3 du code du travail en ce qu’elles subordonnent à l’exécution d‘un travail effectif l’acquisition de droits à congé payé par un salarié dont le contrat de travail est suspendu par l’effet d’un arrêt de travail pour maladie.

Elle juge ainsi que les salariés atteints d’une maladie ou victimes d’un accident, de quelque nature que ce soit (professionnelle ou non professionnelle) ont le droit de réclamer des droits à congé payé en intégrant dans leur calcul la période au cours de laquelle ils n’ont pas pu travailler.

Arrêt du 13 septembre 2023 (n°22-17.340)

Congés payés
et accident du travail

Selon le droit français, en cas d’accident du travail ou maladie professionnelle, l’indemnité compensatrice de congé payé est limitée à une seule année de suspension du contrat de travail.

Or, selon le droit de l’Union européenne, un salarié victime d’un accident de travail peut bénéficier d’un droit à congé payé couvrant l’intégralité de son arrêt de travail.
En l’espèce, un salarié a été victime d’un accident du travail. Par la suite, il a calculé ses droits à congés payés en incluant toute la période au cours de laquelle il se trouvait en arrêt de travail.
En application du droit français, la cour d’appel a considéré que ce calcul ne pouvait pas prendre en compte plus d’un an d’arrêt de travail. Le salarié a formé un pourvoi en cassation.
Comme dans la décision précédente, la Cour de cassation, s’appuyant sur l’article 31§2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne relatif au droit au repos, écarte les dispositions du droit français qui ne sont pas conformes au droit de l’Union européenne.
Ainsi, elle juge qu’en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle, l’indemnité compensatrice de congé payé ne peut être limitée à un an.

Arrêt du 13 septembre 2023 (n°22-17.638)

Congés payés et congé parental d’éducation

Jusqu’à maintenant, le salarié ne pouvait pas prétendre à une indemnité compensatrice de congés payés à l’issue de son congé parental au motif que, la décision de bénéficier de ce congé parental s’imposant à l’employeur, c’est l’intéressé lui-même qui a rendu impossible l’exercice de son droit à congé payé.

Or cette règle est contraire au droit social européen sur les congés payés et à l’accord-cadre sur le congé parental figurant en annexe de la directive du 8 mars 2010.
En effet, selon la CJUE, cette disposition a pour but d’éviter la perte ou la réduction des droits dérivés de la relation de travail, acquis ou en cours d’acquisition, auxquels le travailleur peut prétendre lorsqu’il entame un congé parental et de garantir que, à l’issue de ce congé, il se retrouvera, s’agissant de ces droits, dans la même situation que celle dans laquelle il était antérieurement audit congé (décision 16 juillet 2009).

Le contrat de travail d’une salariée a été suspendu successivement, à compter du 1er août 2018, pour cause de maladie, puis de congé pathologique et prénatal, puis d’un congé maternité et enfin d’un congé parental d’éducation à compter du 17 février 2019.
Le contrat de travail a pris fin le 31 octobre 2020 à la suite d’une rupture conventionnelle. Le 25 mars 2021, la salariée a saisi la juridiction prud’homale d’une demande en paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés.

Elle est déboutée par la cour d’appel au motif que les congés payés acquis avant le début de son congé parental ne pouvaient être reportés à l’issue de ce congé dans la mesure où la salariée n’avait pas été empêchée de les prendre à l’issue de la période de référence, ayant elle-même choisi sa date de départ en congé parental. Elle forme un pourvoi en cassation.
Il y a lieu de juger désormais qu’il résulte des articles L. 3141-1 et L. 1225-55 du code du travail, interprétés à la lumière de la Directive 2010/18/UE du Conseil du 8 mars 2010, portant application de l’accord-cadre révisé sur le congé parental, que lorsque le salarié s’est trouvé dans l’impossibilité de prendre ses congés payés annuels au cours de l’année de référence en raison de l’exercice de son droit au congé parental, les congés payés acquis à la date du début du congé parental doivent être reportés après la date de reprise du travail.

La salariée est donc en droit de bénéficier de l’indemnité compensatrice des congés payés non pris du fait de son congé parental, équivalent en l’espèce à 43 jours de congés acquis et non pris.

Arrêt du 13 septembre 2023 (n°22-14.043)

Prescription du droit à l’indemnité de congés payés

Une autre affaire (22-10.529) portait, quant à elle, sur la question du point de départ du délai de prescription de l’indemnité de congés payés en cas de litige.

En la matière, il résulte d’une jurisprudence constante que les congés payés ayant une nature salariale, ils sont soumis à la prescription triennale applicable aux salaires.
Par ailleurs, la chambre sociale considérait de longue date que le point de départ de ce délai était fixé à l’expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris.

Mais la Cour de cassation a décidé, là encore, de faire évoluer sa jurisprudence et pose le principe selon lequel il y a lieu de juger, désormais, que le point de départ de la prescription de l’indemnité de congé payé ne peut commencer à courir que si l’employeur a pris les mesures nécessaires pour permettre au salarié d’exercer effectivement son droit à congés payés.

Pour rappel, il appartient à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé et, en cas de contestation, de justifier qu’il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombaient légalement.

Article rédigé en septembre 2023 et mis à jour en avril 2024, par Laurent Guyon, Directeur de Mission Social Endrix.

jean

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