La taxonomie européenne : ancrer la notion de durabilité dans la stratégie des investisseurs et dans le pilotage les activités des entreprises
Aujourd’hui, la finance est plus que jamais au cœur du débat politique pour mener la transition vers un monde plus résilient, et en particulier pour modifier les pratiques dans le but de limiter l’impact sur le climat ; en atteste la prise de parole de Mark Carney, alors gouverneur de la banque d’Angleterre, devant la Commission Européenne, le 21 mars 2019 :
« In the future, climate and ESG reporting will likely be at the heart of mainstream investing. Investors will tailor their investments and fulfil their fiduciary duties through: better quality and more widely available data on sustainability and performance; […]; and more informed judgements of strategic resilience.* »
* Mark Carney, « A New Horizon », discours prononcé devant la Commission Européenne, à Bruxelles, le 21 mars 2019
Les financiers : nouveau levier pour accélérer la transition écologique ?
Depuis 2015, une accélération a eu lieu dans le domaine financier, pour intégrer les risques systémiques ou les risques sociaux dans les modèles d’analyse des investisseurs. La matérialisation des risques financiers liés au climat devient peu à peu la préoccupation des fonds qui ont un horizon d’investissement long terme. Car les leviers d’actions du monde financier sont puissants du fait de leur rôle dans le financement des entreprises et en tant qu’actionnaires.
La taxonomie verte européenne s’inscrit dans cette tendance : utiliser les financiers comme levier pour accélérer la transition. Premier système mondial de classification des activités économiques durables sur le plan environnemental, la taxonomie verte européenne est une première étape clé à l’heure de la préparation du Green Deal et du développement de la finance durable.
Concrètement, elle permettra à une activité économique d’être considérée comme écologiquement durable si elle contribue à au moins l’un de six objectifs fixés sans nuire de manière significative à aucun des autres tout en respectant des critères sociaux.
Le règlement européen* du 18 juin 2020 fixe les six objectifs suivants :
- L’atténuation des émissions de gaz à effet de serre
- L’adaptation au changement climatique.
- L’utilisation durable et la protection de l’eau et des ressources marines
- La transition vers une économie circulaire, notamment la prévention des déchets et l’augmentation de l’utilisation des matières premières secondaires
- La prévention et le contrôle de la pollution
- La protection et la restauration de la biodiversité et des écosystèmes
*Règlement (UE) 2020/852 du 18 juin 2020 sur l’établissement d’un cadre visant à favoriser les investissements durables
Ce texte fait suite à un colossal travail technique accompli pendant des mois, qui a culminé en mars 2020 avec la publication du rapport final sur la taxonomie verte, réalisé par un groupe d’experts techniques (TEG), avec pour première partie, les objectifs d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre et d’adaptation au changement climatique et la définition des critères de durabilité pour près de 70 activités économiques. Ce texte établit trois catégories d’investissement favorisant la transition climatique :
- Les activités vertes,
- Les activités de transition (les meilleures pratiques disponibles dans des secteurs incapables d’atteindre le zéro carbone, tels l’acier),
- Et « les activités facilitatrices », comme les secteurs qui aident au développement d’activités zéro carbone, par exemple la fabrication d’éoliennes.
Les « actes délégués » permettant de classifier précisément les activités relatives à l’atténuation du changement climatique et à son adaptation ont été publiés en juin 2021. Ceux relatifs aux quatre autres objectifs environnementaux devraient être proposés dans les mois qui viennent.
Identifier les activités économiques considérées comme « vertes »
C’est donc un pas de géant qui est accompli dans le domaine de la finance car cette taxonomie permettra de faire le tri entre les investissements nécessaires à la transition et ceux qui ne le sont pas. Son objectif premier est de créer un langage communautaire puis international pour catégoriser les activités économiques en fonction de leurs externalités environnementales. L’enjeu est donc d’encourager les investisseurs et les consommateurs à identifier les activités économiques qui peuvent, sans aucun doute, être considérées comme « vertes » des autres.
Cette taxonomie n’est pas sans amener des controverses. De nombreux acteurs craignent une multiplication d’actifs bloqués, dévalorisés par l’évolution de la réglementation. D’autres dénoncent sa complexité de mise en œuvre ou son approche figé et binaire. Par exemple, le lobby nucléaire est insatisfait de la classification établie par les experts.
Malgré ces oppositions, le débat avance : une nouvelle route est en construction pour la finance durable mais pas seulement. La taxonomie amène des changements à la fois pour les investisseurs mais également les émetteurs. Pour ces derniers, la taxonomie est une nouvelle obligation en termes de reporting puisque les entreprises entrant dans le champ de la NFRD (Non Financial Reporting Directive) devront détailler dans quelle proportion leurs activités sont éligibles et alignées à la taxonomie en publiant la part de leur chiffre d’affaires liée aux activités de la taxonomie et les Capex (dépenses d’investissement de capital) et les Opex (dépenses d’exploitation) concernées. Et ceci, dès 2022 pour leur reporting portant sur 2021.
Le modèle comptable CARE : un allié pour être conforme à la Taxonomie Verte
Le modèle comptable CARE peut soutenir les entreprises dans cette voie. CARE permet de piloter le niveau de durabilité des entreprises par rapport à ses capitaux naturels et humains et comptabilise dans le bilan et compte de résultat de l’entreprise, les immobilisations et charges relatifs aux actions de maintien réalisées ou planifiées de l’entreprise. Outil de pilotage de la transition, CARE peut être l’instrument permettant aux entreprises d’aider à se conformer à cette nouvelle réglementation.
Caroline Bailly – Consultante RSE chez Endrix
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