Dirigeants : demandez l’occultation de vos adresses personnelles au RCS
Protéger ses données personnelles devient une réalité pour les dirigeants d’entreprise. Depuis le décret n° 2025-840 du 22 août 2025, les personnes physiques exerçant un mandat social peuvent demander à masquer leur adresse personnelle dans les documents consultables via le Registre du commerce et des sociétés (RCS). Ce dispositif marque un tournant dans la gestion de la transparence économique.
Pourquoi permettre l’occultation de l’adresse personnelle des dirigeants au RCS ?
Le Registre du commerce et des sociétés (RCS), par essence, vise à assurer la transparence des informations juridiques et économiques des entreprises. Parmi les données publiées, l’adresse personnelle du dirigeant figure depuis longtemps, notamment sur l’extrait Kbis, considéré comme la carte d’identité de l’entreprise.
Or, cette transparence peut aujourd’hui entraîner des risques concrets pour les dirigeants :
- atteinte à la vie privée avec une exposition directe de leur domicile,
- risques de harcèlement, d’usurpation ou de menaces, en particulier pour les dirigeants de structures sensibles ou engagées,
- publication malveillante d’informations personnelles en ligne.
Avec la généralisation de l’open data et la rediffusion massive de données légales sur Internet, ces informations sont de plus en plus faciles d’accès, même pour des tiers non légitimes. Ce contexte a conduit à réinterroger l’équilibre entre transparence économique et sécurité personnelle.
Le décret n° 2025‑840 du 22 août 2025 vient répondre à cette problématique en introduisant un droit à l’occultation, inspiré d’autres dispositifs de protection des personnes dans les données publiques. Il s’inscrit également dans une dynamique plus large de renforcement du RGPD et de la sensibilisation à la cybersécurité, y compris dans les structures de gouvernance.
Ce changement marque un glissement progressif vers une approche plus protectrice des données personnelles des dirigeants, sans renier pour autant les exigences légales d’accessibilité à l’information.

Qui est concerné par cette possibilité ?
Le décret n° 2025‑840 s’applique de manière ciblée à certaines personnes physiques identifiées comme particulièrement exposées en raison de leur fonction juridique au sein d’une structure.
Les dirigeants personnes physiques
Il s’agit de toute personne physique exerçant une fonction dirigeante au sein d’une personne morale immatriculée au RCS. Sont notamment concernés :
- les gérants de SARL ou de sociétés civiles,
- les présidents ou directeurs généraux de SAS,
- les administrateurs et directeurs généraux de SA.
Ce droit s’applique indépendamment de la taille ou de l’activité de l’entreprise. Ce qui compte, c’est le statut juridique du dirigeant en tant que personne physique identifiée dans les documents publics.
Attention, les dirigeants personnes morales (par exemple, une holding dirigeante) ne sont pas éligibles à l’occultation de l’adresse, car la mesure vise uniquement la sphère privée.
Les associés indéfiniment responsables
Certaines formes sociales prévoient une responsabilité illimitée pour leurs associés. Ces derniers sont donc directement identifiables dans les registres publics et peuvent également faire valoir leur droit à l’occultation.
Cela concerne notamment :
- les associés de sociétés en nom collectif (SNC) ;
- les associés de sociétés civiles, comme les SCI ou les SCP.
Dans ces cas, les associés peuvent apparaître dans les actes et documents déposés au RCS, et leur adresse personnelle peut y figurer, ce qui justifie la possibilité d’en demander l’occultation.
Les personnes exclues du dispositif
Le décret ne prévoit aucune rétroactivité. Ainsi, les anciens dirigeants — même s’ils sont encore mentionnés dans les archives publiques — ne peuvent pas demander l’occultation de leur adresse a posteriori. Cette exclusion, bien que critiquée, repose sur le principe de conservation des informations historiques du registre.
De même, les mandataires non dirigeants (ex. : commissaires aux comptes, représentants sans fonction exécutive) ne sont pas concernés, sauf s’ils exercent également une fonction dirigeante.

Quels types d’occultation sont prévus ?
Le décret distingue deux niveaux d’occultation.
- Sur l’extrait Kbis : l’adresse personnelle du dirigeant est supprimée de la version publique.
- Dans les actes déposés au RCS : une version anonymisée est diffusée, tandis que l’original, non modifié, reste au greffe.
Cette mesure permet ainsi de concilier confidentialité et accessibilité juridique.
Comment déposer une demande d’occultation ?
La démarche s’effectue via le guichet unique électronique de l’INPI. Elle peut être réalisée :
- spontanément à tout moment ;
- à l’occasion d’une formalité au RCS (immatriculation, modification, radiation).
Le greffier dispose ensuite d’un délai de 5 jours ouvrables pour instruire la demande. Passé ce délai, un recours auprès du juge chargé de la surveillance du registre est envisageable
Exceptions : qui peut encore accéder à l’adresse personnelle ?
L’occultation n’est pas totale. Certaines entités conservent un droit d’accès, notamment :
- les autorités judiciaires, fiscales ou de contrôle (police, douanes…) ;
- les créanciers pouvant justifier d’une créance ;
- les associés ou représentants légaux de la société.
Ce cadre vise à maintenir un équilibre entre confidentialité et sécurité juridique.
Limites et points de vigilance
Malgré les avancées apportées par ce décret, plusieurs limites persistent :
l’occultation ne s’applique pas aux anciens dirigeants ;
- elle ne concerne que le RCS et non d’autres registres comme celui des bénéficiaires effectifs ;
- les données personnelles peuvent rester en ligne sur des plateformes tierces, faute de mise à jour automatique.
Une veille juridique reste donc indispensable pour assurer une protection complète.
Ce qu’il faut retenir
L’occultation de l’adresse personnelle des dirigeants constitue une évolution majeure en matière de protection des données. Ce nouveau droit, s’il est bien mis en œuvre, permet de réduire les risques d’exposition tout en respectant les obligations légales. Reste à accompagner sa mise en place avec rigueur, pour que la confidentialité devienne une réalité effective.

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