Subventions, concours publics, marchés publics, contributions financières, mécénat… La bonne qualification des différentes ressources des associations n’est pas sans conséquences. Des enjeux fiscaux, juridiques et socio-économiques en découlent.
Le nouveau règlement de l’Autorité des normes comptables (ANC)¹ applicable à l’ensemble des personnes morales de droit privé à but non lucratif tenues d’établir des comptes annuels² a permis de combler certaines lacunes du règlement du Comité de la réglementation comptable (CRC) no 99-01³ .
Jusqu’ici, le plan comptable ne distinguait pas suffisamment la nature des ressources spécifiques au secteur non lucratif comme les concours publics 4 les ressources liées à la générosité du public 5 , les contributions financières. Cette lacune pouvait entraîner une hétérogénéité des traitements par les associations et les fondations.
La réforme permet désormais d’affiner et d’uniformiser l’information financière entre les entités concernées à condition de bien analyser ces flux financiers, avant leur comptabilisation.
1 Règl. ANC no 2018-06 du 5 déc. 2018, homologué par arr. du 26 déc. 2018, JO du 30, texte n° 51 ; dossier « Réforme comptable – Le compte est bon ! », JA 2019, n° 602, p. 16.
2 Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2020.
3 Règl. CRC no 99-01 du 16 févr. 1999 ; précédent plan comptable des associations et fondations – et non de l’ensemble des organismes sans but lucratif.
4 Néanmoins présents sur certains plans comptables annexes (M21 – Sanitaire ; M22 – Médico-social).
5 Mécénat, dons manuels, legs, donations, assurances-vie…
Impacts d’une mauvaise qualification des ressources
Une bonne prise de connaissance des conventions de financement est nécessaire dans le cadre de l’application du nouveau règlement comptable.
À défaut, une interprétation trop rapide de la nature de la ressource à classifier peut entraîner une lecture juridique ou fiscale erronée, avec, à la clé, des conséquences potentiellement significatives voire déterminantes car pouvant toucher le modèle socio-économique de l’entité.
Principales classifications des ressources définies par le règlement (ANC) no 2018-06
Les zones de risques potentielles
Confusion entre subvention et concours public, un nouveau risque ?
La confusion entre ces deux types de financements existait déjà bien avant la loi relative à l’économie sociale et solidaire (ESS) 6 qui a permis, pour la première fois, de se référer à une définition légale et précise de la subvention.
Avant cette définition, les différences d’interprétation entre la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC) et les représentants du secteur associatif étaient fréquentes.
Ainsi, le secteur social et médicosocial a certainement été le plus souvent au cœur de ces débats, en particulier sur les notions de prix de journée (produits de la tarification), les uns soutenant que ce prix de journée était une subvention7, les autres le prix d’une prestation 8 .
Depuis 2014, la réglementation a permis de confirmer qu’il ne s’agissait pas d’une subvention, et depuis 2018, d’un concours public et non d’une prestation – le bénéficiaire n’étant pas le financeur.
Seules la lecture des conventions et la prise de connaissance de l’environnement juridique de leurs applications permet une correcte interprétation.
Dans le cas contraire, une confusion entre ces deux notions peut avoir deux impacts très significatifs :
- Un impact juridique : Le recours obligatoire à un commissaire aux comptes en cas de mauvaise qualification entraînant le dépassement des seuils de 153 000 euros de subvention ;
- Un impact potentiellement financier et économique : La qualification d’un financement en concours public ne permettant pas la comptabilisation en fonds dédiés 9 , le tiers financeur est alors à même de reprendre les excédents non consommés.
Cette différence de traitement comptable amène une autre réflexion : l’objectif de l’article L. 612-4 du code de commerce est de contrôler l’utilisation des fonds publics versés sous forme de subventions.
Pour quelles raisons les concours publics également versés par des autorités administratives seraient exclus de ce contrôle ? Un toilettage du texte serait peut-être nécessaire pour plus de cohérence ?
Enfin, cette distinction doit être également prise en compte pour analyser la nature des emplois aidés versés de façon discrétionnaires et donc assimilables à des subventions (comme les postes adultes-relais), ou encadrés par des textes législatifs (structures de l’insertion par l’activité économique (SIAE).
Notions de cotisation sans contrepartie et de prestations.
Ici c’est la notion de contrepartie ou non pour les membres qui doit être distinguée dans la comptabilisation des cotisations perçues par l’entité 10 .
La distinction n’est pas anodine puisqu’elle peut entraîner la réduction d’impôt ou non pour le membre ayant versé la cotisation, mais également l’assujettissement ou non à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) 1 1 de ces cotisations suivant si elles constituent ou pas une contrepartie d’un service individualisé aux membres12 .
Là encore la lecture précise des éléments et le rapprochement avec les textes fiscaux garantiront la bonne analyse.
6 L. no 2014-856 du 31 juill. 2014, JO du 1er août.
7 CNCC, « Guide de contrôle des associations », juill. 1996 : « toute somme versée à une association par l’État, ou l’un de ses établissements publics ou une collectivité locale, qui ne rémunère pas un service qui lui est directement rendu, constitue une subvention. »
8 L’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss) de son côté considère qu’il s’agit du prix (contrepartie) de prestations rendues à des usagers fondé sur une obligation légale et selon des réglementations spécifiques du secteur.
9 Règl. ANC no 2018-06, préc., art. 132-2..
10 Ibid., art. 142-1.
11Sauf pour les associations dites « fermées » qui exercent une activité sportive, éducative, culturelle ou sociale.
12 BOFiP-Impôts, BOI-IR-RICI-250-20 du 12 sept. 2012, § 60, 90 et 100.
Des interprétations floues pour certains secteurs d’activité
ou financements
Subventions et commandes publiques : un rappel bienvenu de la distinction.
Confondre une subvention obtenue dans le cadre d’un appel à projet avec un financement lié à un marché public d’une collectivité souhaitant satisfaire un besoin 13 peut là aussi générer des risques importants :
- Un risque fiscal lié à l’apparition d’un secteur potentiellement taxable14 aux impôts commerciaux, voire une taxation globale15 des activités de l’association ;
- Un risque de déséquilibre du modèle socio-économique si la lucrativité de l’association devient telle qu’elle empêche le recours au mécénat ou des financements publics s’adressant à des organismes sans but lucratif (OSBL) ;
- Un risque de requalification du financement par le juge administratif.
Concours publics ou prestations : une approche du financeur parfois différente de celle de la réglementation comptable.
La Caisse d’allocations familiales (CAF), outre des subventions, peut également verser selon les secteurs d’activité qu’elle finance des « prestations de service » venant le plus souvent compléter les participations des familles (médiation familiale, crèche…).
Parmi ses exigences, l’organisme demande l’application d’un guide de référence 16 intégrant en particulier l’usage d’un plan comptable « CAF » dans lequel ses versements sont comptabilisés en prestations, alors qu’il s’agit de concours publics.
Difficulté de classification d’un financement versé par un organisme privé ou public étranger.
Le versement d’une aide financière sans contrepartie par un organisme de droit privé non lucratif français est une contribution financière. En effet, il entre dans le champ d’application du règlement ANC no 2018-06.
Qu’en est-il d’un organisme de droit privé non lucratif étranger ? Il ne peut pas s’agir d’une contribution financière puisque la réglementation comptable française ne peut pas s’appliquer à cette entité étrangère. Il ne peut pas non plus s’agir d’une subvention car il s’agit d’un organisme de droit privé. Dans ce cas, il semble que la seule option possible serait la comptabilisation en mécénat.
Dans le cas du versement d’une aide financière par un organisme de droit public étranger – par exemple un financement européen versé directement par l’Union européenne –, et bien qu’il ne s’agisse pas d’une subvention au sens de la loi ESS17 , il semble plus pertinent de le comptabiliser en subvention qu’en mécénat. Il ne s’agit de toute façon ni de contribution financière, ni de concours publics. Il conviendra alors de veiller au retraitement des seuils liés aux subventions.
Mais parfois, la lecture attentive des textes et des conventions ne suffit pas.
Les interrogations qui demeurent
Sur des financements spécifiques, il est possible de s’interroger sur certains aspects :
- Doit-on considérer qu’un montant reçu par une entreprise du fait de son obligation de revitalisation des territoires 18 , est au même titre que la taxe d’apprentissage, un financement indirect octroyé par l’État dans le cadre d’une réglementation spécifique, et donc à classer en concours public ?
- Le financement d’investissements via une contribution financière d’une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) à une société coopérative et participative (SCOP) ne semble pas pouvoir faire l’objet de fonds dédiés ? Comment de ce fait ne pas être soumis à l’impôt sur les sociétés en une seule fois sur un financement destiné au lancement d’une activité par exemple ?
- A quel moment les ressources liées au mécénat obtenu de partenaires doivent-elles être considérées comme perçues dans le cadre d’un appel à la générosité du public et donc entraînant l’établissement d’un compte d’emploi annuel des ressources collectées auprès du public (CER) ?
L’annexe au formulaire de déclaration préalable d’appel à la générosité du public publié par le ministère de l’Intérieur19 précise qu’il s’agit d’une campagne de communication menée à l’échelon national pour viser un public de donateur implanté sur l’ensemble du territoire. L’esprit du texte semble donc clairement indiquer que des conventions signées de gré à gré avec des partenaires ne rentreraient pas dans ce cadre.
De façon générale, en l’absence de toute campagne nationale, la mise en place d’un CER ne s’imposerait pas.
En conclusion, ces interrogations ne sont certainement pas exhaustives, et des précisions demeurent attendues pour clarifier certaines situations et éviter ainsi des risques potentiels. Quoi qu’il en soit, il reste indispensable devant chaque situation de rassembler le maximum d’éléments juridiques pour être en mesure en cas de doutes de bien qualifier le financement perçu.
Article rédigé par Cédric Lavedrine – Associé et Référent ESS, Endrix et Delphine Lubrani , Expert Comptable, comité « Associations » du conseil régional de l’Ordre des experts-comptables de Paris Ile-de-France.
Cet article est un extrait de Juris association numéro 647 – Novembre 2021.
13 Prestation de service, travaux, fournitures contre paiement d’un prix (contrepartie directe).
14 En cas de concurrence déloyale avec le secteur marchand.
15 Si les activités non lucratives ne sont plus nettement prépondérantes suite à l’obtention d’un marché public concurrentiel.
16 CAF, « Aide à la complétude de votre déclaration de données 2020 – Établissement d’accueil du jeune enfant », 2021 : le compte de prestation de service (706) doit être utilisé lors de la comptabilisation du financement de la CAF.
17 Une subvention est versée par une autorité administrative française.
18 Circ. DGEFP/DGCIS/DATAR no 2012-14 du 12 juill. 2012.
19 Ministère de l’Intérieur, « Formulaire d’information no 1 – Déclaration préalable d’appel à la générosité publique ».
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